Alain Gautré à propos d'un clown de théâtre qui "fait peur"...
Alain Gautré (1951-2017) lisait et réagissait parfois aux publications du groupe Facebook La Grande Famille des Clowns ©. À une personne qui avait écrit, en voyant la photo du clown Giselle (alias Anne Gaillard) : "ce clown me fait peur", Alain Gautré avait répondu :
"Chère [...], historiquement, avant que le clown (appelé plus tard clown blanc) et l'auguste (celui au nez rouge, qui n'arriva qu'en 1880) fusionnent pour créer des personnages hybrides dont celui dont tu as peur, donc pendant tout le 19ème siècle, le clown faisait autant rire qu'effrayer. Il suffit de relire Théophile Gautier ou Baudelaire là dessus pour s'en rendre compte. C'était une créature grimaçante, un acrobate élastique, une "apparition" qui frappait les esprits. Disons, pour faire des rapprochements avec des contemporains qu'Il y avait beaucoup de clones de Ludor Citrik (même s'il est unique) ou de Johan Le Guillerm à l'époque. Lorsque les grands clowns de cette époque jouaient Hamlet, il y avait autant de rires que de tremblements dans le public. Le masque de l'effroi faisait partie du jeu. Mais rassure toi, des clowns plus poétiques, plus décalés sans être cruels, comme Billy Hayden, ressemblaient plus à ceux que tu aimes aujourd'hui, des créatures plus touchantes, plus lunaires, qui préfiguraient le clown que Jacques Lecoq inventa dans son école en 1962 et dont nous sommes tous tributaires aujourd'hui, un auguste réinventé à partir du ridicule et de la poésie de chaque personne, ce qui est une démarche très différente de celle du 19ème siècle, où le clown (sans nez rouge) amenait autant de rire que de cruauté. Bon, voilà, chère [...] que je ne connais pas, excuse moi d'avoir été un peu pontifiant, mais j'aime trop cet art pour ne pas m'en faire parfois le chantre abusif. Toute mon amitié clownesque."
"Giselle, le rendez-vous" de et par Anne Gaillard. Crédit photo : DR