[TW]* en résidence de création à Saint-Julien-Chapteuil

Programme

à toi, 

Je te crois. Il n’avait pas le droit. 

Il a fait de ton corps, le lieu de son crime. La scène d’un crime parfait, qui ne laisse ni corps, ni empreintes, et dont le souvenir même est emporté dans les méandres de ta mémoire amnésique. 

J’entends ton cri démuni qui doute de la réalité.  

Ton viol est un acte de guerre, de domination. Il a des effets durables qui affectent ton corps et ton esprit : des séquelles invisibles qui assaillent ton quotidien. Tu es irradiée. Tu a été laissée seule avec tes impacts, tes secousses, tes explosions et tes bribes de souvenirs à rassembler.

Je te vois te dépatouiller avec toutes tes agressions.  

Pour toi, le Monde est devenu un champ de mine : un son, une texture, un sourire,  une odeur, une ambiance lumineuse; n’importe ! Tout peut déclencher, en toi, un phénomène psychocorporel handicapant ou réveiller le traumatisme de l’agression sexuelle dont tu as été victime. 

Je t'avertis: [TW]*; ce spectacle parle de toi. [TW]* pourrait être un déclencheur qui réactiverait ton trauma.

Tu as été marqué.e, sali.e, pourfendu.e. Comment trouver ta liberté alors que le temps de la justice, souvent incompatible avec le temps de la prise de conscience, offre, lui, un chemin vers la prescription pour ton agresseur ? 

Ton témoignage, et celui des autres me secouent. 

Je refuse d’entendre qu’on t’a violé pour te faire taire, pour t’aliéner, pour que tu restes à ta place de victime, de femme ou d’enfant, pour que la peur t’accompagne, nous accompagne. 

Dans un tremblement de terre perpétuel, tu es affairée à ta survie pendant que ton agresseur, lui,  culmine ou réitère.

J'accuse l'inaction et la systémie . 

Je comprends et je me lève. 

C’est une guerre. 

Je suis obligée d’agir, de prendre les armes; les miennes : la dramaturgie plurielle, l’association d’artistes, de techniciens et de partenaires, la mise en scène de mots, d’images, d’émotions et l’art du geste et du rire pour mettre aux Regards ce qu’ils détournent par peur, confort ou complicité. 

Je ne vais plus me taire. 

Je vais tirer du canon à confettis,  foutre un joyeux bordel partout où [TW]* sera soutenu et programmé. 

“Trigger Warning”, j’entre en résistance ! Je participe à l’appel. Je sonne l’alerte :

• En témoignant:  montrer partager les effets de ta mémoire traumatique : donner à voir, à toucher, à éprouver l’expérience de la traversée d’un champ de mine. 
• En secouant : comme les impacts de tes agressions te secouent insidieusement, je secouerai les spectateurs de manière consciente. Je les inviterai à se mettre à ta place. Je les embarquerai dans une machine infernale contrastée où le répit est bref, les obligeant eux aussi à se tenir sur leur qui-vive…  on ne sait jamais quand et d’où peut venir la prochaine secousse ? 

• En enfermant les spectateurs dans un labyrinthe onirique et hétérogène pour leur faire perdre tous repères. Dans le flou de ta réalité, tenter de les éclairer. 
• En déminant, en dévoilant l’emplacement des mines, comment elles sont posées : en décortiquant les stratégies d'agressions, en montrant le caractère perpétuel des violences.
• En confrontant les spectateurs pour qu’ils ne puissent plus nier les faits et leurs rôles dans cette guerre et plus largement ce système de prise de pouvoir par la peur, la domination et l'asservissement des autres. 
• En rêvant qu’il soit possible de traiter un sujet aussi grave par le rire et l’onirisme grâce aux arts du clown, du numérique et de la danse. 

[TW]*:  Attention, je te déclenche ! 

Lucile ANDRE, metteure en scène