Clown Blanc et Auguste

Texte de Joanna Bassi


Entre le Clown Blanc souriant. D’un geste il fait cesser la musique.


Clown Blanc (CB) - Bonjour chers lecteurs ! (Il lève son cône en guise de salut) Voici Monsieur l’Auguste !! (Entre l’Auguste)

Auguste (A) : - Bonjour mossieur le clown, comment c’est-y que ça va bien (il tend la main droite pour un serrement amical et à la dernière seconde se gratte la tête avec. Un peu exaspéré, le clown blanc le pousse et le tape …)

CB : - Dites-moi Auguste, nos lecteurs aimeraient savoir, depuis quand vous appelle-t-on Auguste ?

A : - Comment ?

CB (parlant plus fort) : - Je dis : depuis quand vous appelle-t-on comme ça ?

A : - Moa ? (LAuguste pointe son pouce vers lui-me)

CB : - Oui, vous ! (coup d’œil complice vers le lecteur)

A : - Mais je ne m’appelle pas comme ça.

CB : - Comment ?

A : - Comme ça … Je ne m’appelle pas « comme ça » … (il tourne en rond avec sa veste bien en arrière sur les épaules)

CB : - Alors comment vous appelez-vous ?

A : - (dun ton solennel) Je ne m’appelle pas ! … Je me nomme … (le clown blanc le bouscule tout en souriant) D’ailleurs, Auguste n’est pas mon nom, c’est ma fonction … Voui Mossieur, moa je suis presque fonctionnaiiiirrre !

CB : - Ah oui ? Fonctionnaire de quoi ?

A : - Fonctionnaire du rire (il part refaire un tour en sautillant) …

Sauf que moaaaa, j’ai pas de retraiiiite ….

CB donne un coup de pied aux fesses à lAuguste qui s’arrête aussitôt de tourner : - Soyez un peu sérieux mon ami … D’où nous vient ce nom Auguste ?

A : - Y’a bien eu un premier Auguste, mais on ne sait pas qui c’est … C’était un prénom à la mode vers la fin du 19e siècle … Y’en a qui disent que c’est Billy Hayden, ou bien William Bridges ou bien encore un autre gars, là … un certain Agoust en Allemagne … Alors allez donc savoir, ils se copiaient tous !! …. Mais moi je suis moaaaa !!

CB : - Je vois, je vois … Et votre tenue ? Vous avez vu grand, vos chaussures, votre veste … Un peu trop large non ?

A (rentrant le ventre) : - Vouiiii j’ai un peu maigri, et les chaussures sont à mon frèeeeeere …. Avant, les premiers Augustes étaient habillés avec un frac noir trop petit, comme une sorte de gentleman grotesque, avec des gants blancs trop larges, un peu comme Chocolat, vous connaissez Chocolat ? … Après, l’Auguste est devenu plutôt un clochard, ou un gars habillé en vêtements récupérés … Mais bon je parle, je parle et vous mossieur Clown, comment vous nommez-vous ?

CB : - Ah eh bien moi, j’ai eu beaucoup de représentants prestigieux … Footit, Alex, Maïs, Antonet … Avant eux, vous savez bien que vous et moi ne faisions qu’un. Maintenant on est bel et bien séparés, et on ne vit presque plus ensemble … (lAuguste se met à pleurer et se mouche dans un gros mouchoir qu’il essore à grand bruit au-dessus d’un sceau) … (le clown blanc poursuit) le vingtième siècle fut mon âge d’or et le vôtre aussi … !!

A : - (Montrant ses poches vides) Moaaa de l’or ? Comment que ça se fait que j’aie rien remarqué ?

CB : - Parce que vous êtes un benêt, Auguste …

A : - Un bonnet ? Pas du tout je porte plutôt une perruque, même qu’elle est souvent colorée … je suis moderne moaaa, les années 60 reviennent à la mode. Mais vous vous n’avez pas beaucoup de cheveux dites donc, et vous êtes bien pâle monsieur le clown.

CB : - C’est normal, en tant que clown blanc, j’ai gardé le maquillage original … celui du roi de la piste.

A : - Ah non ! C’est moi le roi … et puis la piste vous savez, je peux la quitter, je suis moderne moaa … maintenant je me produis au Théâââtre … Alors que vous, avec votre tête enfarinée, là …

CB : - Allons bon, on vous accepte au théâtre avec votre nez rouge ?

A : - Ben oui, Il est pas bô mon nez rouge ? C’est tout ce qui me reste du temps où j’étais au cirque …

CB : - (le clown tape lAuguste) : Tiens et tiens … Ça t’apprendra à me laisser tomber …

A : - (se ressaisissant) Vous y tenez vraiment hein ?

CB : - À quoi ?

A : - À votre cône …

CB : - Je pense bien ! C’est un chapeau qui me revient de loin, d’abord de la commedia dell’arte, puis mes aïeux s’en sont servis pour des tours de jonglage … Pour moi, le cône est sacré …

A : - Sacré icône va … Ben, Moa, j’ai la miousic … Quand je joue la miousic j’ai plus besoin de vous … Les clowns musicaux n’ont pas besoin de faire-valoir … ils ne sont ni des gentlemen, ni des clochards … ce sont des miousiciens, des savants, avec des têtes pleines d’idées … Grock par exemple, il était unique … Sans blaaague …

CB : - Oh je sais bien, exceptionnel … Don Saunders aussi … il y en a eu d’autres, surtout en Allemagne et Angleterre … Parce qu’ils travaillaient sur des scènes dans ces pays où le vaudeville, les variétés et les pantomimes perduraient … En France, les clowns préféraient la piste en rond, on avait des troupes comme en Espagne et en Italie … Au tout début, il y avait les fameux quadrilles de clowns sauteurs, puis les trios de soi-disant “frères ou Fratelli ”, puis les duos, puis les solos puis ….. plus personne … Il n’y a pas de clowns dans le cirque contemporain. Tiens justement, aujourd’hui, que faites-vous Mooossieur l’Auguste … ?

A : - Ben j’apprends … je suis retourné à l’école …

CB : - Vraiment ?

A : - Ah ben oui … Lecoq, Gautier, Decroux, Marceau... Ce qui mène au clown contemporain se trouve dans les écoles maintenant, pas au cirque … Voui Mossieur, c’est comme ça … Ça commence dans les écoles … mais on sait pas où ça finit … dans la rue, au théâtre, voilà pas qu’on a des clowns partout maintenant, à l’hôpital, en politique …

CB : - En politique aussi ?

A : - Voui Mossieur … Ils apprennent sur le tas des blagues qu’ils se racontent entre eux … mais je pense aussi qu’il doit bien y avoir un stage d’Auguste président quelque part …

Mais dites-moi … et vous, que devenez-vous ces jours-ci …?

CB : - Oh moi, j’ai encore quelques représentants traditionnels ici et là … Mais je ne suis plus tellement en phase avec le reste du monde … Dans les stages ce n’est pas le clown qu’on cherche à faire sortir de soi … c’est l’Auguste … car vous, les Augustes, êtes à même de refléter un monde grimaçant, tandis que moi j’attends le retour de la poésie …. Mais je suis patient vous savez …

A : - Bon je vous laisse alors, faut que j’aille à mon cours de yogaaaa moaaa. (Il trébuche, retire ses chaussures trop grandes et remonte sur son petit nuage …)

CB : - Chers lecteurs … Voilà ce que nous pouvions vous raconter sur nous mêmes mon collègue et moi …Comme si vous y étiez … (il lève son cône, et se penche en avant dans un lent salut … la lumière s’éteint … )

© Jean-Pierre Estournet, « Par le Boudu », solo de clown de et par Bonaventure Gacon au festival « Scènes de Rue » à Mulhouse, 2011

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