Le nez de clown
Par Jean-Bruno Guglielminotti
Nous avons choisi d'évoquer ici le faux nez en nous référant à l’artiste clown, et non pas au métier ou à l'expérience de « trouver son clown ». Devenu un emblème, voire un archétype de l’art du clown dans nos sociétés occidentales, le faux nez annonce la présence d’un auguste au premier coup d’œil. Rouge, le faux nez « se voit comme le nez au milieu de la figure ».
Dans cet article, nous utilisons le plus souvent l'expression « nez de clown ». Pour mieux saisir ce que nous nommons aujourd'hui un « clown », nous vous invitons à lire en préambule un article passionnant de Joanna Bassi (circassienne, violoniste, auteure, clown, metteure en scène et formatrice) : « Clown Blanc et Auguste ».
D’où vient le nez de clown ? On raconte, entre autre légende, qu'en 1768, en Grande-Bretagne, un écuyer ivre échouant à monter sur son cheval aurait fait rire le public aux éclats. Le nez rouge du clown serait né ce jour-là… Au-delà des légendes, pour tenter de répondre à cette question, nous avons choisi de nous référer à un article de Joanna Bassi. Elle présente ce qu’elle a observé, étudié et vécu tout en livrant son ressenti actuel.
Quelle est la fonction du nez de clown ? Considérant que le nez de clown est un masque, nous proposons de rendre compte des propos de plusieurs auteurs à ce sujet.
Pourquoi le nez de clown est-il le plus souvent rond ? Pourquoi le nez de clown est-il le plus souvent rouge ? Comment choisir un nez de clown ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous partageons les intuitions et réflexions de Sébastien Bickert, facteur de masques.
Quels sont les différents types de nez de clown ? Quel type de nez de clown choisir ? Nous proposons des réponses à ces questions à la fin de l’article.
D’où vient le nez de clown ?
Joanna Bassi, membre de la famille circassienne depuis au moins cinq générations, a fait appel à sa mémoire pour évoquer dans l’article « De Clowns et de nez... » les faux nez des clowns occidentaux.
Au 19e siècle, les clowns parcouraient les scènes et les pistes internationales, engendrant des influences artistiques et vestimentaires. Joanna Bassi relève ainsi qu’« une sorte de maquillage très contrasté, blanc, rouge et noir, avait été hérité d’un brassage de genres comiques anglais, italiens, russes et du pierrot blanc français ».
Pour Joanna Bassi, c’est dans ce contexte que l’usage des faux nez, en tant qu’exagération des traits personnels, seraient apparus vers 1870 par des clowns russes. Un usage qui s’éloignait du masque et se rapprochait du maquillage moderne personnalisé. Tandis que les demi-masques et faux nez hérités de la commedia dell’arte avaient un autre objectif : correspondre à un rôle prédestiné et codé. Ces “nouveaux nez” transformaient l’interprète en personnalité. Ils ont ensuite voyagé en Amérique où ils ont été adoptés très largement par les clowns américains qui bénéficiaient d’une meilleure visibilité du fait de chapiteaux plus grands qu’en Europe. De retour en Europe, le faux nez de clown est de plus en plus utilisé par les clowns allemands, devenus entre temps Augustes.
Qu’il soit faux ou qu’il soit peint, le nez rouge domina tout au long du 20e siècle et se diversifia le siècle avançant.
Face à un certain épuisement du genre artistique propre au « clown traditionnel de Cirque », de nombreux clowns s’efforcent de créer un renouveau à partir des années 1970, notamment dans la rue. Le faux nez disparait largement des visages à cette période.
Cependant, Joanna Bassi constate qu’aujourd’hui le retour du nez rond rouge ne reflète pas nécessairement la personnalité du clown : il est devenu un élément de sa tenue, « comme une sorte d’hommage au siècle passé », un héritage.
Quelle est la fonction du nez de clown ?
Pour Jacques Lecoq le nez de clown est « le plus petit masque du monde ».
Un masque n’est pas un simple objet. Il « agit ».
Le nez de clown renvoie à une fonction symbolique, à une signification que lui reconnait la personne qui le voit. Dès le premier regard, il renseigne le public sur l’intention de l’artiste de se présenter comme un auguste.
Le nez de clown agit comme un permis de transgression des règles sociales. Dans le champ du clown intervenant social, Jean-Bernard Bonange (acteur-clown, cofondateur du Bataclown et Clownanalyste) rapporte que « le nez rouge est pour [l’artiste clown] une sorte de passeport diplomatique : il [lui] garantit l’immunité dans [sa] transgression parodique. »
Le nez de clown renforce la distance entre la personne et le clown. Bernard Kudlak rappelle comment le masque agit pour l’artiste : « [le nez de clown] est la bouée de secours de celui condamné aux rires, aux coups, aux lazzis et à la méchanceté naturelle des directeurs de cirque, des enfants, de leurs parents, des puissants et des fâcheux. » Pour Le Rire Médecin qui emploie des clowns intervenant à l’hôpital, « le nez permet de matérialiser la distance suffisante qu’il faut au comédien pour incarner son personnage sans être submergé par ses propres émotions. »
Pourquoi le nez de clown est-il le plus souvent rond ?
Peut-être, comme le pense Sébastien Bickert, parce qu’il a une « forme simple, élémentaire… Le nez rond est non-réaliste, ainsi [...] tout est possible ».
Il semble que le nez rond se soit imposé aujourd’hui comme « le nez neutre » du clown.
Pourquoi le nez de clown est-il le plus souvent rouge ?
Dans notre culture occidentale, la sensation visuelle correspondant aux couleurs vives trouve son apothéose dans le rouge situé entre les teintes sombres (qui culminent avec le noir) et les couleurs claires (qui culminent avec le blanc).
Sébastien Bickert rappelle que « le rouge symbolise surtout la vitalité » et attire de fait notre regard. Rouge, le nez de clown se voit de loin !
Comment choisir un nez de clown ?
En tant que facteur de masques, Sébastien Bickert « considère le nez comme étant le lieu le plus facile à caractériser ». « Souvent, quand je travaille au modelage d’un masque, c’est le nez qui s’affirme en premier et je n’ai plus qu’à [créer] le reste à partir de lui. La forme du nez peut être le point de départ de la transformation... », confie-t-il. Il s'agit de trouver une forme de « cohérence », une lisibilité pour les spectateurs que ce soit dans l'harmonie ou le « contraste ».
Certains se demandent quel modèle de nez de clown ira le mieux à la morphologie de leur visage. Eh bien, pour Sébastien Bickert, il n’y a pas de recette ou de règles en la matière et c’est à chaque clown de faire son choix !
Sébastien Bickert témoigne qu’il ne s’agit pas « de choisir, comme pour des chaussures, sa pointure ». « Une jeune clown venue chercher un petit nez de clown pour son petit nez a essayé un gros nez de clown, ses camarades et moi-même avons tout de suite souri, c’est qu’il s’est passé « quelque chose », et c’est avec ce gros « pif » qu’elle est repartie ! »
Quels sont les différents nez de clown ?
Les nez de clown sont de fabrication industrielle ou artisanale. Ils sont prêts à chausser ou conçus sur mesure. Les nez de clowns sont aujourd’hui en mousse, en plastique, en latex, en cuir, mais peuvent aussi être en carton, en cire...
Vous trouverez surtout des nez de couleur rouge, dans des teintes claires à foncées, mais vous trouverez aussi des nez d’autres couleurs : noirs, gris, marrons, dorés, bleus, verts, blancs ; il n’y a pas de limites… !
Pour chausser un nez de clown, il vous faudra choisir sa taille qui varie de petite à très grande. Les nez de clown se portent le plus souvent avec un élastique, mais peuvent aussi se pincer sur le septum nasal ou encore être « collés » directement sur le nez.
Si les nez de clown sont le plus souvent ronds, certains pourront rappeler les formes de nez de clowns célèbres comme le nez carré de Charlie Rivel ou le nez en trompette de Charlie Caroli.
Quel type de nez de clown choisir ?
Tout dépend de votre intention et de votre budget.
Le nez en plastique dur, inconfortable et peu esthétique, tout comme le nez en mousse - qui tient difficilement en place lors des mouvements ! - sont vendus dans les magasins de farces et attrapes ou sur des sites de ventes en ligne pour quelques dizaines de centimes à quelques euros.
Vous trouverez des nez de clown industriels, en latex ou caoutchouc, souples et confortables, vendus par des distributeurs parfois dotés de sites de vente en ligne, pour quelques euros à une dizaine d’euros.
Des nez de clowns de création artisanale en latex ou en cuir, sont proposés par des acteurs spécialisés et sont disponibles pour quelques euros à un peu plus d’une dizaine d’euros.
Pour un travail sur mesure, il est possible de s’adresser à un atelier de facteur de masque ou encore de confectionner vous-mêmes votre nez dans le cadre d’une recherche artistique avec l’aide d’un professionnel qui vous accompagnera dans votre démarche.