Renversant.
Le clown est un renversant.
Il est un gueux qui devient roi.
Un roi qui devient gueux.
Le ridicule est son royaume.
Dans l'échelle des pauvres il est le dernier.
Dans l'échelle des riches il est le dernier.
Il est celui qui est tout en bas.
Rien ni personne ne peut le mener plus en bas. C'est son pouvoir.
Sa puissance est dans le retournement.
Il est l'humilié qu'on acclame, le détestable qui réjouit.
Il est le roi de l’en-dessous. Il en fait son champ de bataille. Un champ qu’il cultive. Arrosé de sa sueur, de ses larmes et de sa joie.
C’est une bataille avec lui-même dont l’enjeu est un je t’aime.
C’est la bataille des ridicules, durant laquelle renaissent les vivants.
Il est le perdant qui gagne la victoire.
Trop.
Le clown est le trop petit, le trop grand, le trop gros, le trop maigre, le trop comme il faut, le timide, l’exubérant, le trop voyant, le trop bruyant, le trop silencieux. Il est le trop moche, le trop beau, le trop mal habillé, le trop nu, le trop nul, le trop parfait . Il est celui qui ne fait pas comme il faut, qui ne comprend pas comme il faut. Il est celui qui tombe, celui qui se trompe, celui qui ne voit pas pareil. Celui qui ne sait pas, celui qui sait tout. Il est le fainéant, le frimeur, celui qui s’en fout, la chochotte, le têtu, le dégonflé. Le trop content, le trop triste. Celui qui n’a peur de rien. Celui qui a peur de tout. Il est celui qui rate. Celui qui est trop gentil, trop fort, trop bête. Le trop malin, le trop pauvre, le trop riche, le trop chanceux.
Il est ce que la case ne peut contenir. Il est ce qui déborde. Il est le trop.
C'est ainsi qu'il élargit le champ de ma pensée.